Marrakech, la capitale des dynasties berbères, compte aujourd’hui des édifices de diverses époques. Les principales périodes historiques sont présentées, ainsi que quelques-uns des édifices ou vestiges. Les monuments les plus importants sont décrits dans des articles spécifiques.
Au départ simple campement nomade, Marrakech, dont le nom pourrait signifier Terre de Dieu ou Terre de parcours, fut fondée par le souverain almoravide Youssef Ibn Tachfin.
Les Almoravides sont issus de tribus berbères qui nomadisaient dans le désert entre la Mauritanie actuelle et le Tafilalt. Sous l’impulsion de divers prédicateurs, ces tribus guerrières se structurèrent au sein d’un mouvement religieux dont le but était d’instaurer l’islam sunnite de rite malékite dans l’Occident musulman. Appelés à la rescousse par les petits rois des taïfas [1] d’Al-Andalus, les Almoravides brisèrent l’offensive du roi de Castille Alphonse VI : Youssef ibn Tachfin, proclamé en 1098 prince des musulmans, défenseur de la foi et commandeur des croyants, incorpora Al-Andalus à son empire sans pouvoir cependant reprendre Tolède.
Le nom Almoravides provient d’ailleurs du mot al-Murabitoun qui désigne les combattants du ribat, forteresse de la guerre sainte dressée contre leurs ennemis. Les Almoravides, guerriers pieux et savants, créèrent Marrakech vers 1062 et y édifièrent de nombreuses mosquées et medersas (écoles de théologie coranique) autour d’une place commerciale drainant le trafic entre le Maghreb occidental et l’Afrique subsaharienne. Marrakech grandit et s’imposa comme une métropole culturelle et religieuse influente.
Depuis cette cité devenue leur capitale, les Almoravides dominèrent un espace qui s’étendait des rives du Sénégal jusqu’au centre de l’Espagne et du littoral atlantique jusqu’à Alger.
Des palais furent édifiés et ornés avec le concours d’artisans andalous venus de Cordoue et de Séville qui apportèrent le style omeyyade caractérisé par des coupoles ciselées et des arcs polylobés. Cette influence andalouse fusionna avec les éléments sahariens et conduisit à une architecture originale et adaptée à l’environnement spécifique de Marrakech.
Les témoignages de l’époque almoravide qui subsistent de nos jours sont :
Il s’agit du dernier vestige des Almoravides encore debout. La qubba (coupole, en arabe) était à la fois le centre d’ablution pour les croyants se rendant à la première mosquée Ben Youssef toute proche, et l’une des premières fontaines de Marrakech, assurant l’approvisionnement en eau pour la population et les animaux.
Les fontaines et le centre d’ablution étaient alimentés par un système de galeries souterraines (khettaras) qui se terminaient dans une citerne d’où des tuyauteries intérieures en bronze amenaient l’eau aux bassins.
Le centre d’ablutions ouvrait vers l’extérieur par des arcs polylobés de profils variés et des arcs en fer à cheval. L’édifice ne fut découvert et dégagé qu’en 1948.
Cette chaire à prêcher ou minbar, exposée dans un pavillon du palais el-Badi, appartint à la mosquée almoravide avant d’être attribuée à la Koutoubia.
Le minbar fut réalisé à Cordoue à partir de 1137 puis transporté en pièces détachées avant d’être remonté à Marrakech.
Incrusté d’ivoire, il est considéré comme un chef d’œuvre de l’art islamique.
Youssef ibn Tachfin, premier sultan almoravide, régna de 1061 à 1106 et fonda Marrakech vers 1062. En 1086, il se porta au secours d’Al-Mutamid, titulaire du trône de Séville, alors que le roi Alphonse VI de Castille avait attaqué Saragosse et déjà repris Tolède. C’est à cette occasion que Youssef ibn Tachfin s’empara d’Al-Andalus, avant de jeter en 1092 son dévolu sur Valence dont le futur roi Rodrigo Diaz de Bivar se trouvait à Saragosse. Il ne put conquérir la ville qu’en 1102, trois ans après la mort du Cid.
À proximité immédiate de ce mausolée et le long de la mosquée Koutoubia se trouvent les vestiges du palais et de la mosquée almoravides, détruits lors du renversement de la dynastie par les Almohades.
Face à la menace almohade, la cité fut fortifiée par le fils de Youssef ibn Tachfin, Ali ibn Youssef qui fit édifier des remparts vers 1126-1127. Soigneusement entretenus et restaurés au fil des siècles, ceux-ci sont encore visibles aujourd’hui. Des bastions à section carrée défendaient l’approche de la muraille.
Les Almohades sont issus de tribus berbères emmenées par un maître spirituel, Ibn Toumert, qui, très tôt animé par le zèle religieux, découvrit lors de ses voyages, l’ampleur de la tradition musulmane et plus particulièrement le soufisme. Il développa une aversion pour la tradition malékite imposée par les Almoravides et revint au Maghreb en 1117. C’est depuis le Haut-Atlas et plus spécialement depuis Tin-mel qu’il fédéra des tribus berbères contre le pouvoir almoravide, en compagnie de son disciple Abd el-Mounem.
Le nom Almohade est d’ailleurs issu du titre de Mahdi, envoyé de Dieu, que s’attribua alors Ibn Toumert. Ce dernier décéda en 1130 avant d’avoir vu la victoire almohade. Abd el-Mounem lui succéda avec le titre de calife, marquant ainsi l’indépendance religieuse vis-à-vis du pouvoir abbasside, et prit Marrakech en 1147.
Le fils d’Abd el-Mounem fit de Séville sa deuxième capitale et les califes almohades régnèrent alors sur un empire qui s’étendait du sud de l’Espagne à la Lybie actuelle.Yacoub Al-Mansour, qui régna de 1184 à 1199, fut l’un des plus célèbres d’entre eux. Il infligea en 1195 une sévère défaite au roi Alphonse VIII de Castille à Alarcos. C’est sous son règne que vécut Averroès (Cordoue 1126 - Marrakech 1198) ou Ibn Rochd de Cordoue, considéré comme l’un des plus grands penseurs de l’Espagne musulmane.
En 1212, la défaite des troupes almohades à Las Navas de Tolosa dans le sud de l’Espagne, face à une coalition de royaumes chrétiens marqua une étape de la Reconquista et le début du déclin de l’empire almohade.
Les témoignages de la période almohade sont
Cette porte est considérée comme l’une des plus belles réalisations de l’art almohade à Marrakech. S’élevant à l’intérieur des remparts et flanquée à l’origine de deux bastions, elle avait surtout une fonction décorative et marquait l’entrée dans le périmètre royal. Quatre arcs concentriques aux décors tous différents sont encadrés par des motifs floraux et calligraphiques.
La mosquée de la Koutoubia fut inaugurée en 1158 par le premier calife almohade Abd el-Mounem. Le minaret, haut de 69 mètres en comptant le lanternon, fut achevé par son petit-fils Yacoub el-Mansour (1184-1199).
Le décor des quatre faces du minaret est différent. Il est constitué d’arcatures entremêlées, de réseaux d’entrelacs en relief, de carreaux de faïence de couleur blanc et turquoise.
La fondation de la mosquée par Yacoub el-Mansour date bien de l’époque almohade mais sa destruction au XVIe siècle et les remaniements et restauration ultérieurs lui ont fait perdre tout caractère ancien.
Son minaret actuel est décoré d’un réseau d’entrelacs en losange sur fond émaillé et d’une frise en faïence turquoise.
Le premier bassin monumental et son système de canalisations et d’adduction d’eau datent vraisemblablement de l’époque almohade. Les aménagements furent complétés sous les Saâdiens puis les Alaouites. Le vaste bassin de 200 m sur 150 fut orné en 1870 d’un pavillon.
En 1269, Marrakech tomba sous les coups d’une tribu berbère du nord, les Bani Merin, fondateurs de la dynastie mérinide qui prit Fès comme capitale. Aucun monument de Marrakech ne fut édifié sous cette dynastie, contemporaine des Nasrides de Grenade.
Les Saâdiens constituent une dynastie arabe issue de la vallée du Drâa. Ils choisirent d’abord Taroudannt comme capitale, puis s’emparèrent de Marrakech dont ils firent leur capitale, avant d’en faire, à partir de 1554, la capitale de tout le territoire marocain. Sous leur domination, Marrakech renaît grâce aux fabuleuses richesses amassées par les sultans, parmi lesquels Ahmed el-Mansour, après la conquête de Tombouctou.
Parmi les monuments de Marrakech qui datent de la période saâdienne figurent
Cette fontaine monumentale se trouve à proximité immédiate de la mosquée Mouassine. La fontaine voisine avec trois grands abreuvoirs situés à sa gauche, couverts de voûtes et ouverts sur la rue par trois arcades.
Le bassin de la fontaine est protégé par un portique orné de plâtres sculptés et de linteaux en bois ouvragé, surmonté d’un toit en pente recouvert de tuiles vernissées vertes.
La fontaine Chrob, située près de la mosquée Ben Youssef, a été élevée sous Ahmed el-Mansour (1578-1603). C’est une fondation pieuse offerte au peuple par un riche donateur. Son portique est exécuté en bois de cèdre sculpté en nid d’abeille et recouvert d’un toit en pente revêtu de tuiles.
L’inscription ciselée sur le linteau est une calligraphie andalouse. Une des inscriptions invite le passant à boire et regarder (en arabe, echroub et chouf).
Bien que l’islam préconise l’absence d’intermédiaire entre le croyant et Dieu, les manifestations de dévotion aux saints sont très présentes au Maroc.
On vénérait à Marrakech un certain nombre de saints soufis dans des zaouïas qui étaient à la fois le lieu de rassemblement d’une confrérie soufie particulière et le site d’un mausolée du saint correspondant.
Sidi Abd el-Aziz est l’un des sept saints de Marrakech.
Le nom, alaouite, de la dynastie arabe qui règne sur le Maroc depuis la seconde moitié du XVIIe siècle vient de l’arabe alawi, descendant d’Ali, gendre du prophète Mahomet. Venus de Syrie, des Alaouites se seraient installés dans le Tafilalt au XIIIe siècle. Le fondateur de la dynastie régnante est Moulay Chérif, ou encore Moulay Chérif Ben Ali, qui régna sur le Tafilalt de 1631 à 1659.
Les princes du Tafilalt devinrent sultans du Maroc à la suite d’une période d’instabilité après le décès du dernier sultan de la dynastie des Saâdiens en 1659 : le troisième prince alaouite du Tafilalt, Rachid ben Cherif, réunifia le pays entre 1664 et 1669 et réinstaura un pouvoir central, marquant ainsi le début de la dynastie alaouite toujours à la tête du pays.
Les alaouites transférèrent la capitale à Fès puis à Meknès. Ils n’édifièrent pas de monuments à Marrakech où la plupart des constructions de l’époque sont des édifices privés, reprenant les codes architecturaux et décoratifs antérieurs.
Quelques constructions de la période alaouite et contemporaine
[1] Ce terme désigne des royaumes concurrents installés dans la région d’Al-Andalus durant les périodes d’instabilité politique séparant l’hégémonie des dynasties successives :
Au-delà de cette date, seul subsistera le royaume de Grenade, jusqu’en 1492.