Le sanctuaire d’un roi de Méroé, agrandi aux époques ptolémaïque et romaine
Le temple de Dakka a été transporté à une cinquantaine de kilomètres au sud de son emplacement d’origine et se trouve aujourd’hui sur le site de la Nouvelle Seboua où il voisine avec le grand temple d’Amon de Ouadi es-Seboua et le temple de Maharraqa. Son histoire est liée aux périodes tardives de l’histoire de l’Égypte.
Au IIIe siècle av. J.-C., sous le règne de Ptolémée II, un jeune roi de Méroé du nom d’Ergamène, en proie à des conflits avec le clergé de son pays, s’enfuit vers le nord dans le pays de Ouaouat (nom égyptien de la Basse Nubie). Il y établit un royaume éphémère entre Maharraqa, à 120 kilomètres au sud d’Assouan, et la Première cataracte.
Ce royaume avait pour capitale Dakka, cité qui se trouvait un peu au nord de Maharraqa. Ergamène édifia à Dakka un sanctuaire, sur l’emplacement d’une ancienne fondation de Thoutmôsis III. Le temple était consacré au dieu Thot de Pnoubs (du nom d’une ville de Basse Nubie), Maître de l’Inondation.
La façade du temple est, inhabituellement, orientée vers le nord. Elle regarde ainsi vers le grand pylône de Philæ, lequel est tourné vers le sud. Cette orientation est liée à l’importance du territoire situé entre ces deux temples. En effet, la région située entre Philæ et Dakka contrôlait l’accès à des carrières et mines d’or du désert oriental. Elle fut donc convoitée à toutes les époques et Ptolémée IV décida plus particulièrement que ce territoire serait propriété du temple de Philae. Les souverains lagides ajoutèrent alors un pronaos précédant la cour à ciel ouvert du sanctuaire d’Ergamène.
Quelque deux cents ans plus tard, dès le début de l’époque romaine, la région fut occupée par les légions impériales et la frontière méridionale de l’empire fut fixée à Maharraqa. L’empereur Auguste fit alors prolonger le sanctuaire d’Ergamène par un autre sanctuaire et édifier, devant le pronaos des Ptolémée, un pylône qui semble aujourd’hui démesuré par rapport aux vestiges qu’on découvre : le mur d’enceinte du temple et celui de la cour qui faisait suite au pylône ont en effet complètement disparu.
Le pylône, quoique tardif, a été édifié en conformité avec les canons de l’architecture égyptienne du Nouvel Empire. Les rares décors sont très dégradés et on remarque surtout les inscriptions en écriture grecque.
Le pronaos fut ajouté au sanctuaire d’Ergamène à la période ptolémaïque. La présence d’un mur d’entrecolonnement reliant les colonnes et les piliers de la façade est caractéristique des temples d’époque gréco-romaine.
Le décor intérieur du pronaos date cependant, pour partie, de l’époque romaine. C’est le cas de la scène ci-dessous, de style assez grossier, où on remarquera en particulier les membres, plutôt massifs, des personnages.
Le sanctuaire est remarquable par la finesse de ses décors.
Harpocrate est le nom donné par les Grecs à Harsiésis, fils posthume d’Isis et Osiris. On le reconnaît à sa longue boucle de cheveux et au fait qu’il porte un doigt à sa bouche.
La petite chapelle romaine et la légende de la Déesse lointaine
On voit, dans une petite annexe du sanctuaire d’Ergamène édifiée à l’époque romaine, un décor gravé figurant une lionne et un babouin. Il s’agit de Tefnout et Thot.
Selon le mythe, la Déesse lointaine est une lionne incarnant à la fois l’ardeur du soleil d’été et la douceur du soleil hivernal. Elle personnifie Tefnout mais aussi Sekhmet qui abandonne son père Rê pour fuir dans le désert oriental de Nubie où elle donne libre cours à sa férocité. Rê qui a besoin de son ardeur guerrière, envoie alors Onouris, Shou et Thot pour la faire revenir. Elle accepte de rentrer mais Thot l’apaise avant qu’elle n’entre en Égypte : il verse du vin dans les eaux de la Première cataracte. La déesse pense qu’il s’agit de sang, s’en abreuve, s’enivre et se calme.
Cette légende renvoie à l’inondation du Nil dont les eaux tumultueuses et rougies par la terre ferrugineuse de Nubie se calment à leur entrée en Égypte avant de répandre leurs bienfaits sur le pays.
La lionne en colère, métaphore de la crue du Nil, entrait ainsi, au nord de Dakka, dans un périmètre contrôlé par les pharaons. Le dieu Thot, Maître de l’inondation et métaphore du roi, la ramenait à la raison en la faisant entrer sur ses terres.
Le sanctuaire romain se trouve, dans l’axe du temple, au-delà du sanctuaire d’Ergamène.
Derrière le naos, le mur du fond du sanctuaire romain a été percé d’une porte qui a entamé les décors, nettement plus grossiers que ceux du sanctuaire d’Ergamène.
Le logo représente un des chapiteaux composites du temple de Dakka.