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Ève

Le Téméraire n° 38, 15 juin 1943
4 octobre 2019, par Madeleine, Pascal

Librement inspirée d’un texte de la Genèse, voici une ode à l’amour maternel.

La première cérémonie officielle en l’honneur des mères de famille nombreuse date de 1926 mais c’est le régime de Vichy qui mit les mères sur un piédestal et invita les Français à célébrer la maternité. (D’après Wikipedia).


Quand Dieu eut fait la Terre et qu’au premier matin, les massifs blancs mirèrent la première neige dans l’eau vierge des lacs bleus, la Terre ne sentit pas qu’elle était belle sous la caresse du soleil.
 
La Terre n’était qu’un miroir où se reflétait la Beauté de Dieu, et le miroir ne voit pas ce qu’il reflète. « On ne fait pas un miroir pour lui-même, dit Dieu, mais pour qu’il serve à ceux qui ont des yeux. À part moi, qui n’ai pas besoin de miroir pour voir ma Beauté, il n’y a personne qui ait des yeux sur la Terre et toute cette Beauté, que j’ai faite à l’image de la Mienne, ne sert à rien. »
 
Alors, Dieu fit les animaux. Ils virent la Terre, mais ne virent pas qu’elle était belle. « Ce n’est pas encore ça » dit Dieu. Et il fit l’Homme. Et la Terre eut un sens.
 
L’Homme parcourut la Terre et il prit plaisir à voir les rochers et les fleuves, les arbres et tous les animaux, le ciel bleu et le ciel étoilé, les nuages blancs et les nuages gris, les nuages orange et les nuages pourpre du couchant.
 
Un jour, il était si content qu’il se mit à chanter. Sa chanson était belle. Les animaux l’entendirent, mais ils ne surent pas qu’elle était belle. Et l’homme demanda à Dieu : « Est-ce pour moi tout seul que vous avez fait la Terre ? ».
 
« Il a raison », dit Dieu. Et il lui donna une femme. Et il décida qu’il y aurait une multitude d’hommes pour admirer son Œuvre. Il mit dans le cœur de l’homme et de la femme un amour réciproque : « Comme ça, dit Dieu, ils auront des enfants. »
 
Mais quand le premier enfant vint au monde, Dieu vit qu’il y avait encore quelque chose qu’il n’avait pas prévu : « Un poupon, c’est petit, et faible (et bête), dit Dieu. Je n’avais pas pensé à ça. Je ne me figurais pas du tout un poupon comme ça, comme une petite chose qui ne sait que pleurer et qui n’est pas capable de grandir toute seule. Si je comprends bien, même quand ça a grandi et que ça s’est fortifié, ça doit encore rester bête pas mal de temps. En tous cas. ça ne tient pas debout. Il faudrait trouver quelque chose. »
 
Et Dieu fit le tour de la Terre en cherchant quelque chose. Mais toutes les splendeurs de l’Univers, toutes les merveilles qu’il avait créées ne lui suggéraient aucune idée. Pendant ce temps, le bébé criait. Et le soleil allait se cacher derrière la montagne. « Le froid de la nuit va le tuer », dit Dieu. Et il était bien ennuyé car c’était toute son Œuvre qui s’écroulait.
 
Tout à coup, il n’entendit plus les vagissements du bébé. « Qu’est-ce qui lui est bien arrivé ? » dit Dieu. Et il accourut pour voir ce qui était arrivé.
 
Il trouva le bébé dans les bras de sa mère, en train de téter goulûment son sein. Et il vit qu’elle s’efforçait de le réchauffer à la chaleur de son corps. « Dire que je n’avais pas songé à elle » dit Dieu. Et il se reprocha de n’avoir pas, lui, l’Éternel, pensé à cette chose si simple : l’amour maternel. Et sans perdre de temps, il décida que toutes les filles de la Femme naîtraient avec ce même amour au cœur.
 
Puis Dieu resta pensif un moment, à regarder ce tableau qui allait émouvoir les hommes jusqu’à la Fin des Siècles et qui était garant du succès de son Œuvre. Il était bien tranquille, à présent. Et, comme la nuit allait venir, il se retira sans bruit et partit se reposer par delà les nues.
 
Tel fut le dernier jour de sa Création.

[/R. VANBRUGGHE./]


Article mis à jour le 15 octobre 2019