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Le temple d’Amon-Rê à Karnak

Dans le complexe de Karnak, le domaine d’Amon
30 novembre 2020, par Madeleine, Pascal

Sur la rive droite du Nil, dans la partie nord de Thèbes - de nos jours Louxor - se situait un immense espace sacré, aujourd’hui connu sous le nom de complexe de Karnak.

Édifié, reconstruit et développé pendant plus de 2 000 ans par les rois successifs, depuis le Moyen Empire jusqu’à l’époque ptolémaïque, le complexe comportait trois domaines, parmi lesquels le domaine d’Amon était le plus important.

  • Le domaine d’Amon était dédié à la triade thébaine : Amon, sous sa forme solaire d’Amon-Rê, sa parèdre Mout et leur fils Khonsou. Ce domaine, le plus vaste des trois, est approximativement orienté de l’ouest vers l’est.
  • Le domaine de Mout se trouvait au sud du précédent. Il fut créé ou agrandi sous la XVIIIe dynastie et utilisé jusqu’à l’époque gréco-romaine.
  • Le domaine de Montou [1] se situait au nord du domaine d’Amon. Il date du Moyen Empire.
(Année 2020)
Année 2020
(Année 2000)
Année 2000

Le domaine d’Amon fut le lemple le plus important de la XVIIIe dynastie. Une allée de sphinx de plus de deux kilomètres de long le reliait au temple d’Amon à Louxor, plus particulièrement dédié à la forme ithyphallique de la divinité.

Lors des festivités de la Grande fête d’Opet, la barque d’Amon voyageait de Karnak à Louxor, accompagnée de celles de Mout et de Khonsou. Le dieu allait ainsi se régénérer à Louxor avant de revenir à Karnak une dizaine de jours après. Lors de la Belle fête de la vallée, les trois barques sacrées traversaient le Nil pour que les effigies des divinités aillent visiter les temples de millions d’années des anciens rois, sur la rive orientale.

La photo ci-dessous montre une maquette du domaine d’Amon dont les limites sont matérialisées en gris-bleu. L’entrée du temple est au premier plan, précédée d’une esplanade qui conduit au temple depuis un quai d’embarquement situé en bordure du Nil. Nous visitons essentiellement l’enfilade des espaces qui se succèdent à partir de l’entrée monumentale. La succession de pylônes qui apparaît dirigée vers la droite de la photo conduit vers le domaine de Mout.

Maquette du domaine d’Amon à Karnak

Un plan de Wikimedia permet de voir comment l’ensemble se développa au fil des siècles par agrandissements successifs :
le document accessible ici s'ouvre dans une fenêtre autonome.
L’entrée du temple se trouve à l’ouest et l’axe principal du temple est donc orienté de l’ouest vers l’est. En progressant dans le temple, on traverse une succession d’espaces en allant des plus récents vers les plus anciens. L’enceinte qui figure en gris-bleu sur la maquette est donc la plus tardive : elle date de Nectanebo Ier [2], comme le premier pylône.

L’allée des sphinx et le premier pylône

Le premier pylône est le plus massif et le plus tardif : il date des règnes de Nectanebo Ier et Nectanebo II, derniers souverains d’origine égyptienne (r. 378-341). Ce pylône ne fut pas achevé et ne porte en particulier pas de décor gravé. Il a perdu son linteau et son môle nord est partiellement ruiné.

  • L’esplanade qui donne accès au temple, depuis (...)
    Les trous matérialisent l’emplacement de pièces (...)
  • Les encoches dans la muraille sont à l’emplacement
  • L’allée des sphinx à tête de bélier ou criocéphales
  • Entre les pattes du sphinx, une petite statue (...)
  • Au-delà du premier pylône, l’enfilade des cours (...)
Les sphinx à tête de bélier sont à l’effigie d’Amon

La grande cour

Cette cour se trouve entre le premier et le deuxième pylônes. Elle est fermée au nord et au sud par un mur de clôture doublé, du côté nord, d’une colonnade monumentale érigée par Sheshonq Ier, roi de la XXIIe dynastie [3].

Au moment de sa construction, la grande cour intégra deux édifices antérieurs : du côté sud, un temple dû à Ramsès III (r. 1187-1156) et, du côté nord, un reposoir des barques sacrées édifié par Séthi II (r. 1204-1198).

Dans la cour, Taharqa (r. 690-665), un des rois de la XXVe dynastie, édifia ultérieurement un kiosque dont il ne subsiste qu’une seule colonne complète.

Commencé par Horemheb (r. 1323-1293), le deuxième pylône est aujourd’hui ruiné. Il est précédé d’un vestibule devant lequel se dressent des statues colossales qu’on date de l’époque de Ramsès II.

  • Du côté nord de la cour, le reposoir de Séthi (...)
    À gauche, l’envers du premier pylône.
  • Le mur nord de la cour, doublé de la colonnade (...)
    Les colonnes, plutôt massives sont à fût lisse (...)
  • Derrière la colonne de Taharqa, à chapiteau (...)
  • Au premier plan, les vestiges du kiosque de (...)
    En arrière-plan, au-delà du deuxième pylône, on (...)

Du côté droit de la cour, le temple de Ramsès III est un petit temple reposoir. Son pylône est suivi d’une cour à portique, d’une salle hypostyle, d’un vestibule et d’un triple sanctuaire destiné à accueillir chacune des barques sacrées de la triade thébaine.

  • Le pylône du temple de Ramsès III, précédé de (...)
  • Dans la cour du temple de Ramsès III : vue (...)
  • Le côté droit de la cour, bordée de colosses (...)
  • Dans la salle hypostyle
  • La barque d’Amon
  • En quittant le temple de Ramsès III : sous le (...)

La grande salle hypostyle

La salle hypostyle s’étend entre le deuxième et le troisième pylônes

La salle est l’œuvre de Séthi Ier et de son fils Ramsès II. Elle fut édifiée entre 1291 et 1213, mesure 103 mètres sur 53 et compte 134 colonnes. Dans l’axe du temple se trouve une double rangée centrale de colonnes, plus anciennes et plus hautes que les autres : elle date d’Aménophis III. Ses colonnes ont un chapiteau en fleur de papyrus ouverte

De part et d’autre de cette colonnade centrale, les colonnes des deux ailes de la salle sont plus basses. leurs chapiteaux sont en forme de fleur de papyrus en bouton.

Les plafonds en dalles de pierre de la salle hypostyle étaient donc à deux niveaux. Cette particularité a permis la construction de claustras qui éclairaient la partie centrale de la salle alors que le reste demeurait dans l’ombre.

  • Le côté nord du vestibule et du deuxième pylône (...)
  • Montant sud du deuxième pylône et du vestibule (...)
  • La colonnade centrale, aux chapiteaux en (...)
    Au loin, l’obélisque de Toutmôsis Ier. On voit, (...)
  • Dans l’allée centrale : colonnes à chapiteaux en (...)
    On aperçoit la claustra à gauche.
Les colonnes des ailes de la salle hypostyle : les chapiteaux lotiformes sont à fleur fermée
Au-dessus de l’architrave, une des claustras : la colonne du premier plan appartient à la colonnade centrale.
  • Architraves et colonnes de la partie basse de (...)
  • Cartouche de Ramsès II sur une architrave
    La base des chapiteaux conserve des traces de (...)
  • Inscriptions sur une autre architrave
  • Vue transversale de la salle hypostyle en (...)
  • Décor d’une colonne au-dessus des cartouches de (...)
  • L’oiseau Rekhyt sous les cartouches de Ramsès (...)
  • Sur une autre colonne, encore l’oiseau (...)
Le mur extérieur nord de la salle hypostyle
Scène de massacre des ennemis sur le mur précédent dont le décor est consacré aux campagnes de Séthi Ier

Les scènes qui illustrent les murs intérieurs de la salle hypostyle évoquent des processions et cérémonies. Sur plusieurs scènes, le roi est représenté sans couronne, c’est-à-dire comme un prêtre.

  • Le roi sur une barque sacrée, entouré des (...)
  • Sur le mur sud, la barque d’Amon est portée en (...)
  • À la proue de la barque, les porteurs, en rang (...)
  • Scène de purification : Horus et Seth versent (...)
  • Le roi effectue une course rituelle en (...)
  • Ramsès II, coiffé de la couronne du triomphe, (...)
  • Le roi sacrifie une gazelle à Amon-Rê derrière (...)
  • Le roi, sans couronne, est agenouillé sur un (...)

La photo qui suit est prise depuis le troisième pylône qui clôturait la salle du côté de l’est.

La salle hypostyle, vue depuis le pied du troisième pylône

La cour aux obélisques

Dans la cour aux obélisques : vue vers le nord
(L’obélisque de Thoutmôsis Ier)
L’obélisque de Thoutmôsis Ier

La cour aux obélisques se situe aujourd’hui dans un espace compris entre le troisième et le quatrième pylônes. Cet espace marquait à l’époque de Thoutmôsis Ier (r. 1493-1481) le seuil du domaine d’Amon, tout ce qu’on a vu jusqu’ici étant postérieur.

Le vestige principal de cette cour est un obélisque, unique reste d’une paire édifiée par Thoutmôsis Ier. On voit sa partie supérieure sur la photo ci-contre.

L’axe principal du temple va de l’ouest vers l’est et la photo d’ensemble qui précède est prise perpendiculairement à cette direction c’est-à-dire selon l’axe sud-nord, et plus précisément en direction du domaine de Montou qui se trouve au nord. Le troisième pylône apparaît donc à gauche et le quatrième pylône est à droite. Le deuxième obélisque qu’on aperçoit à droite sur cette photo appartient à la salle suivante.

La photo qui suit est prise en direction du sud : on y voit un pylône qui marque le début d’une allée processionnelle conduisant vers le domaine de Mout, au sud. Ce pylône est connu sous le nom de septième pylône. Au premier plan, en avant de ce pylône, une cour où fut découvert, au début du XXe siècle, un très important dépôt d’objets de culte : c’est la cour de la cachette.

Au-delà on aperçoit le huitième pylône plus élevé que le septième.

Dans la cour aux obélisques : vue vers le sud

La cour de la ouadjyt

(L’obélisque d’Hatchepsout)
L’obélisque d’Hatchepsout

Cette cour étroite située entre le quatrième et le cinquième pylônes est une sorte de vestibule qui fut, pendant environ un siècle, au début du Nouvel Empire, la première salle du domaine d’Amon.

La photo est prise en direction du nord : le quatrième pylône est à gauche et le cinquième pylône à droite.

Le nom de ouadjyt fait référence aux colonnes papyriformes qui furent dressées dans cet espace et dont il ne reste apparemment rien. En revanche, Hatchepsout y fit ériger deux obélisques dont un seul est resté debout.

Thoutmôsis III fit doubler la face intérieure du quatrième pylône de statues colossales. On en devine une sur la gauche de la photo.

Du cinquième pylône au sanctuaire de la barque

La vue suivante montre la succession des espaces à partir de la ouadjit (en anglais wadjit).

Les cinquième et sixième pylônes sont très proches l’un de l’autre et le deuxième est très peu élevé. Ils précèdent le sanctuaire de la barque. Le sanctuaire actuel est dû à Philippe Arrhidée, le successeur d’Alexandre, mais il se trouve à l’emplacement d’un sanctuaire antérieur édifié par Thoutmôsis III.

Au-delà de ce sanctuaire se trouve la cour du Moyen Empire. Et, plus loin encore, l’Akhmenou qui est un édifice autonome, néanmoins inclus par Toutmôsis III dans l’enceinte du temple.

  • Sixième pylône (?)
  • Sixième pylône : la liste des peuples vaincus (...)
  • Détail : les noms des peuples soumis par (...)
    Les prisonniers ont les mains liées dans le (...)
  • Sixième pylône : liste des butins offerts par (...)
  • Statue de Thoutmôsis III près du sixième (...)
  • Piliers de granite rose à section carrée (...)
    En arrière-plan, l’obélisque d’Hatchepsout et, (...)
  • Détail
  • Le sanctuaire de Philippe Arrhidée
  • Le sanctuaire de la barque est ouvert vers (...)
  • De l’intérieur du sanctuaire, vue vers l’allée (...)
  • La titulature de Philippe Arrhidée
Vue d’ensemble depuis le côté sud de la cour du Moyen Empire

L’enceinte du Moyen Empire fait suite au sanctuaire de la barque. Il n’en subsiste que des pierres de seuil réunies au premier plan de la photo ci-dessous.

Le temple de Karnak vu depuis le fond de la cour du Moyen Empire

L’akh-menou ou salle des fêtes de Toutmôsis III

(La cour du Moyen Empire vue depuis le seuil de l’Akh-menou)
La cour du Moyen Empire vue depuis le seuil de l’Akh-menou

Au-delà de la zone du Moyen Empire se situe une vaste extension bâtie par Thoutmôsis III. Son nom était Menkheperrê [Thoutmôsis III] est resplendissant de monuments [akh menou] dans la demeure d’Amon. Cette construction est désignée de nos jours comme "salle des fêtes".

L’édifice était à la fois

  • un véritable temple à la mémoire du souverain, en quelque sorte un temple de millions d’années, incluant salle hypostyle, sanctuaire, salles magasins, salles dédiées à Sokar, salle solaire...
  • et un temple jubilaire destiné à la fête sed, qui se déroulait au bout d’un certain nombre d’années de règne et se renouvelait alors périodiquement. Lors de celle-ci, la célébration du culte monarchique associé à celui d’Amon-Rê assurait la régénération du souverain et manifestait à nouveau sa puissance.

L’accès à l’akh-menou se trouvait dans l’angle sud-est de la cour du Moyen Empire. L’édifice fut construit en surélévation par rapport au reste des constructions de Karnak afin d’être à l’abri de la crue du Nil : c’est ce que montre la photo ci-contre, prise depuis l’entrée de l’édifice où se dressaient deux statues colossales du roi.

C’est dans l’akh-menou que se trouvait la salle connue sous le nom de chambre des ancètres de Toutmôsis III. Sur ses murs était gravée la liste de tous les rois depuis les origines.

La salle hypostyle a conservé une bonne partie de ses peintures.

Dans la salle hypostyle, les colonnes sont coiffées de chapiteaux en forme de cloche
  • Les colonnes sont dites "en piquets de (...)
  • Les piliers de la façade ont une section (...)
  • Vue dans l’axe d’une nef
  • Décor d’une architrave
  • Une silhouette de saint : une partie de la (...)

Le jardin botanique est le nom de la salle qui se trouvait derrière et qui desservait les nombreuses salles annexes. Son plafond était soutenu par quatre colonnes papyryformes. Le décor de la salle évoquait nes plantes et les animaux des pays conquis en Asie par le souverain.

Colonnes à chapiteaux lotiformes du jardin botanique
Le fût est fasciculé etle chapiteau représente un bouquet de fleurs de lotus en bouton

Le temple de Ptah

Ce temple fut édifié par Toutmôsis III au nord du domaine d’Amon. Remanié à plusieurs reprises par ses successeurs, il s’est retrouvé inclus dans l’enceinte du domaine d’Amon lorsqu’elle fut élargie, aux époques ultérieures.

Il était dédié, outre Amon, aux divinités memphites Ptah et son épouse Sekhmet.

Vers le temple de Ptah
  • En haut : le roi fait offrande à Osiris, (...)
    En bas, il est suivi d’Hathor et fait offrande (...)
  • Statue de Sekhmet
  • Statue de Ptah
    Cette statue, aujourd’hui dans la chapelle (...)
  • Sur le toit

[1Montou est le dieu faucon de Thèbes où il était vénéré en tant que dieu de la guerre et protecteur des armes. C’est sous sa protection que les Montouhotep de la XIe dynastie se placèrent, au début du Moyen Empire.

[2Roi fondateur de la XXXe dynastie.

[3Cette dynastie (945-887), d’origine berbère, avait pour capitale la ville de Bubastis, dans le delta.


Article mis à jour le 31 janvier 2021