La collection d’art médiéval de la Galerie nationale de Prague
Au nord-est de la vieille ville de Prague, le couvent Sainte-Agnès fut fondé en 1233 par Agnès de Bohème, fille du roi de Bohème Ottokar Ier et sœur du futur roi Venceslas Ier. Premier édifice construit en Bohème dans le style gothique, le couvent hébergea à l’origine des moniales et des moines, puis uniquement des religieuses clarisses jusqu’en 1782.
Aujourd’hui restaurés, les bâtiments du couvent abritent les collections nationales d’art médiéval. Celles-ci couvrent une période qui s’étend du début du XIVe siècle au début du XVIe et correspond aux deux premières dynasties qui régnèrent en Bohème : les Přemyslides et les Luxembourg.
Les bâtiments conventuels conservent aujourd’hui une aile gothique d’origine.
Lors de notre visite, le jardin du couvent était orné de sculptures d’un artiste tchèque contemporain, Michal Gabriel.
Dans les bâtiments, nous visitons l’aile gothique.
Le couvent Sainte-Agnès fut le lieu d’inhumation de quelques-uns des membres de la maison des Přemyslides, ce qu’exprime la photo précédente.
Parmi les dynasties qui se succédèrent en Bohème, la première est celle des Přemyslides, d’abord ducs puis rois de Bohème.
Cette famille de chefs locaux païens fixa sa résidence au château de Prague à la fin du IXe siècle et étendit son influence sur la vallée de la Vltava (Moldau). Vers 880, le chef de la maison se fit baptiser avec son épouse et fit allégeance à l’empereur d’Occident [1].
Le duc de Bohème Venceslas Ier fut assassiné vers 930. Rapidement canonisé, il est devenu le patron des Tchèques et le saint patron de la République tchèque. Son tombeau se trouve dans la cathédrale Saint-Guy de Prague.
Au XIe siècle, par un décret du Saint-Empire, le duché devint un royaume, tout d’abord à titre viager. Le titre de roi de Bohème fut définitivement accordé à Ottokar Ier en 1198, en même temps que celui de prince-électeur du Saint-Empire. Son fils Venceslas Ier régna de 1230 à 1253, trois siècles après son homonyme évoqué plus haut. Il fut inhumé au couvent dont sa sœur Agnès de Bohème avait été l’abbesse.
La dynastie des Přemyslides régna jusqu’en 1306. Elle fut suivie par celle des Luxembourg à laquelle appartenait Charles IV, roi de Bohème (1346-1378) et empereur du Saint-Empire (1355-1378). C’est sous le règne de son fils Venceslas IV que prêcha le réformateur Jan Huss (vers 1370-1415) et que démarrèrent les croisades contre les Hussites (1420-1434).
Le trône de Bohème passa finalement, en 1526, de la dynastie des Luxembourg à celle des Habsbourg.
Un bâtiment du couvent abrite un musée qui présente les collections d’art médiéval de la Galerie nationale de Prague. Les œuvres les plus anciennes datent du XIVe siècle. À partir des années 1340 commence, avec le règne de Charles IV, l’âge d’or du style gothique en Bohème. Parmi les artistes dont le nom a traversé les siècles, l’un des plus importants est Maître Theodoric, actif à Prague de 1348 à 1368, peintre à la cour de l’empereur Charles IV et exceptionnel portraitiste.
Les œuvres sont présentées dans un ordre sensiblement chronologique.
Le panneau peint ci-contre, attribué à l’atelier de Maître Théodoric, représente saint Charlemagne.
C’est Frédéric Ier Barberousse (1122-1190) qui avait obtenu en 1165 de l’anti-pape Pascal III la canonisation de Charlemagne. Par la suite, le pape Alexandre III et ses successeurs n’allèrent pas à l’encontre de cette décision. Le peuple reconnut donc Charlemagne comme saint. Au XVIe siècle, le culte de Charlemagne disparut de la liturgie et Charlemagne n’est plus désigné aujourd’hui que comme "bienheureux".
Ce remarquable portrait provient de la chapelle impériale de la Sainte Croix au château fort de Karlštejn, à 25 kilomètres de Prague.
Le château fut construit par Charles IV pour abriter les joyaux de la couronne de Bohème et de la couronne du Saint-Empire. La décoration de la chapelle impériale fut l’une des plus importantes commandes du siècle et fut confiée, en partie, à l’atelier de Maître Théodoric.
La chapelle impériale de la Saint-Croix du château de Karlštejn était ornée de 130 panneaux peints représentant des saints, dont le précédent. Celui ci-contre, également dû à Maître Théodoric, représente sainte Catherine, l’une des saintes de prédilection de l’empereur Charles IV.
Le cycle de l’abbaye de Vyšší Brod est un ensemble de panneaux qui proviennent d’un monastère cistercien fondé en 1260 en Bohème du sud. On ignore leur fonction réelle : tableaux constitutifs d’un grand retable ou suite de panneaux ornant un chœur ou un déambulatoire ?
Panneau votif de l’archevêque Jan Očko z Vlašimi
Jan Očko z Vlašimi (1292-1380) était archevêque de Prague, conseiller de l’empereur Charles IV, diplomate et cardinal.
Le panneau monumental ci-contre ornait l’autel de la chapelle du château épiscopal de Roudnice nad Label, consacrée en 1371. Ce château, situé à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Prague, appartenait aux évêques de Prague. Le panneau était donc destiné à la dévotion privée de l’archevêque.
Au registre supérieur, à gauche, l’empereur Charles IV, introduit par saint Sigismond, est agenouillé devant une Vierge assise sur un trône d’or.
À droite se trouve son fils, le futur Venceslas IV de Bohème, également agenouillé, accompagné de saint Venceslas.
Au registre inférieur le donateur du panneau est agenouillé, au centre : c’est l’archevêque de Prague Jan Očko z Vlašimi. Les mains jointes, il fait face à saint Adalbert, patron de l’évéché de Prague, tandis que, derrière le prélat, saint Guy, patron de la cathédrale, les mains sur les épaules de l’archevêque, introduit celui-ci auprès de saint Adalbert.
La scène du registre inférieur est complétée, par deux saints patrons de la Bohème, sainte Ludmilla, grand-mère de saint Wenceslas à droite, et saint Procope, à gauche.
Ce panneau, destiné à l’usage privé de l’archevêque, exprime l’alliance du pouvoir religieux et du pouvoir temporel qui caractérisa le règne de Charles IV.
La vignette ci-dessus représente un détail du registre inférieur et montre combien l’artiste devait être proche de l’atelier de Maître Théodoric.
Les panneaux peints et sculptures qui suivent illustrent la transition vers le style gothique international.
La madone franciscaine de Plzeň, ci-contre, est caractéristique de la période finale du gothique international.
Le début du XVe siècle est une période où se développèrent de nouveaux centres artistiques, tels que Plzeň ou Český Krumlov, à l’écart de Prague.
Les croisades contre les hussites ravageaient alors les environs de la capitale de la Bohème, le clergé et le pouvoir royal luttant ensemble contre les idées des réformateurs disciples de Jean Huss. Cette situation conduisit des catholiques, membres du clergé comme bourgeois, à s’éloigner du centre du pouvoir royal pour rejoindre des cours provinciales, échapper aux troubles et s’y réfugier.
C’était peut-être le cas de l’artiste auteur de cette madone, exceptionnel témoignage des réalisations de dernière période du gothique international : libérée de toute la douce sensualité caractéristique du style international, elle traduit l’évolution vers une expression plus dépouillée et plus bourgeoise.
Le buste de Vierge à l’enfant ci-contre est inspiré de l’art du sculpteur souabe Hans Multscher (vers 1400-1467).
Ce dernier diffusa l’art des régions néerlandaises et rhénanes vers l’Europe centrale au cours du XVe siècle.
Le retable ci-dessus est appelé Retable de la mort de la Vierge ou Retable de Saint-Georges. Il nous est parvenu dans sa forme d’origine, avec un cadre doré caractéristique de son auteur, dénommé le Maître de Saint-Georges.
Le retable provient de l’église Saint-Georges du premier couvent de Bénédictines du château de Prague, raison pour laquelle la scène de saint Georges terrassant le dragon (au registre inférieur du volet de gauche) apparaît parmi des scènes de la vie de la Vierge (dont l’Annonciation et l’Adoration des Mages) qui entourent la scène centrale de la mort de la Vierge.
L’artiste avait probablement été formé dans un atelier de Nuremberg transmettant l’art des Pays-Bas, particulièrement perceptible dans la scène centrale. Les caractéristiques les plus remarquables en sont le rendu de la perspective et la représentation réaliste des détails.
Les peintures, sculptures et gravures qui suivent illustrent la transition vers l’art de la Renaissance, jusqu’au début du XVIe siècle.
Les sculptures les plus tardives montrent combien l’iconographie s’imprègne du style diffusé par les estampes.
Les cinq dernières photos montrent des éléments d’un même retable, le retable de Zlíchov. Le sculpteur appartient à un important atelier de la région du Danube et associe des éléments du gothique tardif à ceux de la première Renaissance.
[1] Nom en usage de 800 à 924, avant celui d’empereur des Romains utilisé à partir de la création du Saint-Empire romain germanique en 962 par Otton Ier.